Martha Desrumaux, la solidarité chevillée au corps

28/09/2012 16:01

Martha Desrumaux naît le 18 octobre 1897 à Comines (59). D'un milieu modeste, sa famille doit faire face aux pires difficultés  lors du décès du père, pompier volontaire, à la suite d'un incendie en 1906. La maman est handicapée, aussi Martha se retrouve-t-elle placée à 9 ans comme bonne à tout faire à Faches-Thumesnil. A 10 ans, elle fuit et rentre à Comines. Elle devient alors ouvrière dans le textile.

A 12 ans, elle se syndique à la CGT, puis, en 1912, adhère à la Section Socialiste de Comines.

En 1914, après l'assassinat de Jean Jaurès, c'est l'exode. Elle est évacuée à Lyon où elle travaille pour les  usines textiles Hassebroucq. En 1917, à 20 ans, elle organise sa première grève. Elle est encore illettrée, mais c'est elle qui signe le protocole d'accord de fin de conflit qui se solde par une victoire des ouvrières en lutte.

Elle en retient une leçon. La lutte peut payer quand on est organisé. C'est donc naturellement qu'elle participe au comité pour l'adhésion à la Troisième Internationale et devient membre du Parti Communiste en 1921.

A cette époque, les usines Hassebroucq se réinstallent dans le Nord, Martha rentre également. Elle prend très vite des responsabilités au sein de la CGTU et du Parti Communiste. En 1925, Maurice Thorez, membre du Bureau Central du Parti Communiste, lui confie la rédaction d'un télégramme au Président de la République, dénonçant la guerre coloniale du Maroc et les impôts Caillaux.

En 1927, elle se rend à Moscou avec une délégation de femmes, alors que le gouvernement lui refuse son passeport. En 1929, elle est élue au Comité Central du Parti Communiste. Durant toute la période de l'entre-deux guerres, elle organise la lutte des travailleurs du Nord du Textile, et en particulier, celle des ouvrières.

Le combat de Martha s'inscrit dans les luttes pour l'émancipation des femmes, sans toutefois l'opposer à celui des travailleurs. Elle lutte pour les droits concernant le travail pénible, et réclame pour les ouvrières, à travail égal, salaire égal. Elle oeuvre pour l'accès des femmes aux postes de responsabilité au sein des organisations syndicales et politiques. Elle se bat pour le respect dû aux femmes sur le lieu de travail comme dans la vie domestique.

Rien d'étonnant à ce que Martha joue un rôle central dans les grand mouvements sociaux de mai et juin 1936. Elle est la seule femme présente lors de la signature des accords de Matignon.

Pour leurs premiers congés payés, Martha et Louis Manguine, son époux, un métallo qu'elle a connu lors des mouvements de grèves à Roubaix, vont passer quelques jours au bord de la mer. En avril 1937, Martha donne naissance à leur fils Luis.

De 1936 à 1938, elle organise la solidarité avec l'Espagne Républicaine. Dés la déclaration de guerre en 1939, elle entre dans la clandestinité. Sous l'occupation, elle devient l'un des fers de lance de la Résistance dans le Nord - Pas de Calais et organise plusieurs grèves. Malheureusement, nombre de ses camarades sont massacrés par les nazis. De 1939 à 1941, elle réorganise le Parti Communiste dans le Nord - Pas de Calais et la liaison entre Bruxelles et Paris.

Elle est arrêtée en août 1941, sur dénonciation du Préfet Carles qui a fourni une liste de plusieurs dizaines de dirigeants communistes. Elle est déportée le 15 janvier 1942 à Aachen (Aix la Chapelle), puis à Ravensbrück. Là, comme ses camarades déportées, elle subit la violence et l'enfer. Cependant, elle participe à la direction de la Résistance dans le camp aux côtés de Marie-Claude Vaillant-Couturier et de Geneviève Anthonioz de Gaulle, nièce du Général. Elle les aide à assurer la survie et la lutte de toutes les déportées.

Elle est l'une des compagnes de Florentine lors de l'évacuation des 300 premières rescapées de Ravensbrück, le 5 avril 1945. Elles sont libérées le 9 avril 1945, à Kreuzlingen, à la frontière germano-suisse, en échange de 300 prisonniers allemands détenus en France. Elles sont rapatriées à Paris le 14 avril 1945, après un court séjour à Annemasse.

Revenue à Lille, Martha est affaiblie par le typhus qu'elle a contracté dans le camp. Mais, très vite, elle reprend des responsabilités au sein de l'Union Départementale CGT du Nord. En 1945, alors que les femmes viennent tout juste d'obtenir le droit de vote du fait de leurs actions dans la Résistance, elle est élue au conseil municipal de Lille où elle devient adjointe au maire. Puis, elle est élue Députée du Nord.

En 1954, elle quitte ses responsabilités syndicales et s'occupe de la défense des déportés au sein de la FNDIRP (Fédération Nationale des Internés, Déportés, Résistants et Patriotes).

Elle meurt le 30 novembre 1982, le même jour que son époux et compagnon de lutte, Louis Manguine qui fût un dirigeant important de la Métallurgie et de l'Union Départementale CGT du Nord.

Toute sa vie, elle a sans cesse fait des choix de dignité humaine et de justice sociale.

 

Source :  Pierre Outerryck "Martha Desrumaux - Une femme du Nord, ouvrière, syndicaliste, déportée, féministe" Editions du Geai Bleu

On peut voir Martha dans la vidéo de l'INA ci-dessous, discutant avec ses camarades dans le local des Déportées de Ravensbrück, en fin de reportage : https://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-sociale/video/AFE86003068/retour-a-paris-de-prisonniers-et-de-deportes.fr.html