Suzanne Savale, l'amie de Florentine

13/07/2012 13:13

 

Suzanne Leblond naît le 7 octobre 1904 à Darnétal (76). A 17 ans, elle épouse Henri Savale, Comptable, puis Econome Général des Hospices de Rouen (actuel CHU). En 1924, puis en 1927, ils perdent tour à tour leurs enfants âgés de trois ans, Jeanne puis Maurice, d'une méningite.

Suzanne travaille à la Bourse du Travail et se consacre aux autres. Henri devient Conseiller Général de Darnétal. Son étiquette de radical-socialiste lui vaut une mise entre parenthèses politique lors de la signature de l'armistice par Pétain en 1940. Le 14 juillet 1940, Henri arbore le drapeau tricolore, sur la façade de sa maison, qu'il refuse de retirer malgré l'intervention de la police..

Suzanne entre en résistance avec Césaire Levillain, directeur de l'Ecole Supérieure de Commerce de Rouen. Ils rejoignent le réseau Cohors, appelé plus tard Cohors-Asturies. Ils recrutent Michel Corroy, secrétaire au commissariat de police de Darnétal.

Dés 1941, ils recueillent des aviateurs anglais tombés en Normandie, mais aussi des agents de renseignement parachutés par la France Libre à St Denis Le Thiboult (76). Charles THEVENET et sa famille, du hameau du Fossé, sont leurs spécialistes en réceptions de parachutages d'hommes ou d'armes. Ils sont chargés d'organiser le retour dans leur pays des soldats évadés.

Le réseau de Césaire recueille également des documents sur les mouvements de troupes et sur les fortifications allemandes, qu'il transmet, par l'intermédiaire d'Agnès Goetchel, à Jean Cavailles, professeur à la Sorbonne et créateur du service de renseignements Cohors-Asturies.

Leur principale tâche consiste ensuite à fabriquer de fausses cartes d'identité pour les réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne.

Le 24 mai 1943, muni de faux papiers établis par Suzanne, un jeune réfractaire au STO est arrêté à Dax lors d'un contrôle dans le train. Torturé, il lâche les noms de Suzanne et Césaire Levillain. Le 29 mai 1943, Suzanne Savale est arrêtée. Henri, absent, est en convalescence dans de la famille à la suite d'une opération, mais est activement recherché. Grâce au réseau Libé Nord, Henri est recueilli à St Jean de Frenelles (27), par Lucien et Jeanne Patrelle - fille de Florentine et Jean Sueur - qui cachent également une famille juive, une maman et ses deux enfants José et Monique. Dans la journée, Henri donne des cours à José, non scolarisé par précaution. La nuit, Henri et Lucien rejoignent un maquis où ils s'adonnent au sabotage des voies ferrées.

A Darnétal, Césaire Levillain est également arrêté, puis, quelques semaines plus tard, à Paris, c'est au tour de Michel Corroy. Suzanne est emmenée à des fins d'interrogatoires, à Biarritz (64) où elle est sauvagement battue. Elle refuse de parler et, ayant été découverte, ne reconnaît que ses propres activités. Elle est ensuite internée au Fort du Hâ, à Bordeaux (33), puis emmenée à la prison de Fresnes (94). Là, elle retrouve Césaire Levillain, incarcéré dans la cellule située au-dessous de la sienne. Ils parviennent à correspondre. Le 23 octobre 1943, elle seule est ramenée à Rouen, dans les sous-sols du Palais de Justice. Elle est condamnée à mort. A son tour, Césaire Levillain est transféré à Rouen. Le 4 mars 1944, Michel Corroy et lui sont fusillés, peut être au stand de tir du Madrillet au Grand-Quevilly (76). Suzanne voit sa peine commuée en déportation quelques heures avant l'exécution prévue.

Le 10 mars 1944, elle lie connaissance avec Florentine Sueur, sa voisine de cellule. Mais le 13 mars 1944, elle est déportée vers Lauban, en Silésie. Elle est astreinte à travailler dans une usine de lin, sans toutefois être maltraitée.  

Le 26 octobre 1944, elle est convoyée jusqu'à Ravensbrück, où elle retrouve Florentine après le délai de quarantaine en usage. Comme son amie, elle subit tous les mauvais traitements du camp, aussi bien des SS que des Blockova* polonaises.  On la dote de vêtements trop légers pour la saison et elle souffre du froid et du gel lors des appels quotidiens qui ont lieu dehors. Elle en gardera de graves séquelles. Suzanne et Florentine se réconfortent l'une l'autre.

Le 2 mars 1945, Suzanne quitte Ravensbrück pour Mauthausen, camp central d'Autriche. Les appels, dehors, y sont interminables, et les coups et les humiliations innombrables.

Enfin, le 19 avril 1945, des délégués suisses viennent inspecter le camp. Le 22 avril 1945, un convoi de treize camions de la Croix Rouge emmène les premiers déportés. Suzanne est ainsi libérée avec ses compagnes d'infortune. Le 28 avril 1945, à deux heures du matin, elles franchissent la frontière française.  Quelques heures plus tard, Suzanne regagne Paris en train, puis Rouen où l'attend sa famille au grand complet.

Ce même 29 avril 1945, Henri, revenu à Darnétal dès la libération de la Haute-Normandie, début septembre 1944, est élu Maire de Darnétal.

Suzanne se rend au chevet de Florentine, hospitalisée à Rouen. Le 1er juillet 1945, elle prononce l'éloge funèbre de son amie au petit cimetière de Boisemont (27).

Malgré sa force de caractère, Suzanne ne se remettra jamais des sévices subis tant en prison qu'en déportation. Elle décède à l'hôpital de Rouen le 6 septembre 1952.

Suzanne Savale est Chevalier de la Légion d'Honneur, elle a reçu la Croix de guerre et la médaille de la résistance.

En Seine-Maritime, une école de Darnétal et une rue du Grand-Quevilly portent son nom.

 

* surveillantes de block : elles brutalisaient leurs co-détenues afin d'obtenir des mesures plus clémentes de détention, un lit isolé et davantage de nourriture.

 

Sources :   Marc Corbin, neveu de Suzanne Savale, auteur de "Soldat de l'ombre" Les Editions du Panthéon

                Giette Spannagel, fille de Charles Thévenet

                 Catherine Laboubée "Suzanne Savale, résistante normande..." Editions de la Rue      

                 Témoignages de Lucette Boullier et Jean-Max Garin

Photo de Suzanne et Henri Savale prise le 3 septembre 1945 par Lucien Patrelle à St Jean de Frenelles