Denise Vernay, mémoire de la déportation

30/05/2013 10:10

Denise Jacob naît le 21 juin 1924 à Paris. Son père est architecte. Peu après, sa famille, juive, quitte Paris pour Nice. La fratrie compte bientôt quatre enfants : Madeleine dite Milou, Denise, Jean et Simone qui épousera plus tard Antoine Veil.

On construit peu entre les deux guerres, la vie n'est pas facile. La famille, le lycée, le scoutisme laïc sont les trois pôles de la vie familiale, riche en tendresse. Son père accueille pendant plusieurs années des réfugiés juifs allemands avant la guerre.

En octobre 1940, elle entre au Lycée en math élémentaire. La famille Jacob prend le nom de Jacquier. La presse est censurée, Denise a 16 ans et écoute la BBC. Avec une camarade, elles inscrivent au tableau noir les nouvelles diffusées par la radio anglaise et diffusent des tracts.

A l'automne 1942, les rafles pour ramasser les étrangers juifs s'aggravent. Denise se présente à l'Union générale des Israélites de France (UGIF) à Nice, Bd Dubouchage : il s'agit de cacher des enfants, et souvent leurs parents juifs, réfugiés de tous pays et bloqués à Nice par la mer, dans des familles qui les accueillent en courant de grands risques.

Juillet août 1943, la chasse aux Juifs s'intensifie. Denise se trouve alors dans un camp d'éclaireuses et décide de passer dans la clandestinité afin d'entrer dans la résistance. Patriotisme et civisme sont les motivations majeures de son engagement. Une amie cheftaine institutrice à Saint-Marcellin la fait intégrer le mouvement "Franc-Tireur" qui fait partie des Mouvements unis de Résistance avec Combat et Libération. Sous le nom de code de "Miarka", elle est agent de liaison à Lyon d'octobre 1943 à mai 1944.

Le 18 mars 1944, elle rend visite à sa famille à Nice pour les 21 ans de sa sœur Madeleine. C'est la dernière réunion de la famille. Son père, sa mère, son frère Jean et ses deux sœurs sont arrêtés comme Juifs dix jours plus tard.

Après le débarquement du 6 juin 1944, elle quitte la région lyonnaise pour Annecy comme agent de liaison de l’Armée secrète. Une semaine plus tard, Denise est volontaire pour récupérer pour le compte du maquis du plateau des Glières, deux postes émetteurs et de l’argent qui ont été parachutés en Saône-et-Loire. La jeune femme fait le trajet vers Cluny (Saône-et-Loire) à bicyclette, soit 240 Kms, récupère les deux postes émetteurs et l’argent et regagne Caluire, près de Lyon en taxi.

Le lendemain, 18 juin 1944, dans un autre taxi venu la prendre à Caluire, elle est arrêtée à un barrage de la Feldgendarmerie sur la route de Bourgoin menant à Aix-les-Bains où elle doit remettre son matériel. Remise à la Gestapo de Lyon, elle subit le supplice de la baignoire. Elle a tout juste 20 ans. Elle passe dix jours au fort de Montluc, puis dix jours au fort de Romainville avant d’être déportée, en tant que résistante, à Neue Bremm le 14 juillet 1944. Dix jours plus tard, elle est transférée à Ravensbrück.

Elle devient l'amie de Germaine Tillion. Florentine Sueur va également côtoyer Denise.

Denise continue à faire de la résistance dans le camp. Afin de ne pas faire partie des Kommandos qui travaillent pour les efforts de guerre des nazis, elle s'arrange pour être de celles qui transportent des briquettes de charbon. La surveillance étant moindre, elle vole tout ce qu'elle peut : crayons, papiers, peignes, brosses à dents... pour les remettre au collectif français du camp. Quand elle le peut, elle remplace ses camarades trop épuisées pour la corvée des lourds bidons de soi-disant "café" du matin.

Pour survivre, la résistance intellectuelle est précieuse. Certaines détenues font des livres de recette avec le fruit de leurs vols. Denise confectionne un "livre" de poésie à partir de toile de jute, d'aiguilles et de bouts de laine volés. Certains poèmes sont créés au camp par des camarades , d'autres sont ceux qu'elle se remémore ou encore des textes de chansons.

Le 2 mars 1945, elle est transférée à Mauthausen avec Suzanne Savale et d'autres déportées dites "Nuit et Brouillard". Elles sont libérées par la Croix-Rouge le 22 avril 1945.

Quand Denise revient, seules ses soeurs rentrent de déportation. Ses parents et son frère Jean sont morts en déportation.

Toute sa vie, Denise Vernay agit sans relâche pour perpétuer la mémoire des déportés et celle de la résistance à toutes les formes d’oppression. Elle oeuvre notamment au sein de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, où elle est un témoin inlassable et rigoureux de cette période. Elle est  commandeur de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite et titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec palmes et de la médaille de la Résistance avec rosette.

Elle décède le 5 mars 2013.

 

Sources : Denise Vernay

                Fondation pour la Mémoire de la Déportation