Histoire du Palais de Justice de Rouen
Louis d'Orléans, gouverneur de la Normandie depuis 1492, devenu roi de France en 1498 sous le nom de Louis XII, assisté de son conseiller l'Archevêque de Rouen qui devient ensuite Cardinal Georges d'Amboise, décide en 1499 de créer à Rouen une assemblée : l'échiquier permanent, dont la principale fonction sera de rendre la justice.
L'échiquier devra se tenir dans un palais à construire par la ville, et sera édifié place du marché neuf (actuelle place Foch). Les échevins de la ville en décident la construction le 25 avril 1499.
Le bâtiment, dont la construction commence à l'automne 1499, sera long de 50 mètres, large de 16.5 mètres et haut de 10 mètres. Il sera construit en pierres de Caumont ou Vernon pour les parties dures, et en pierres de l'Oise pour les autres.
Il comprend essentiellement une grande salle, devenue la salle des procureurs, reposant sur un rez-de-chaussée où se trouvent essentiellement des échoppes.
Ce n'est qu'en 1507 que les membres de l'échiquier emménagent dans le palais neuf.
Dans le même temps, le Président de l'échiquier Jehan De Salva entreprend, pour le compte du roi, la construction du palais royal, contigu au palais neuf. Ce palais royal sera achevé en 1509.
En 1515, le roi François Ier transforme l'échiquier permanent en parlement de Normandie, cour souveraine dont les principales fonctions sont de rendre la justice en première instance, ou en appel des tribunaux de la province et de l'ensemble de la Normandie.
Le parlement comprend plusieurs chambres spécialisées civiles et pénales, ainsi qu'une chancellerie. Outre les conseillers qui siègent dans ces chambres, il existe un parquet du roi composé de procureurs.
Il faut attendre le tout début du XVIIème siècle, pour que l'on envisage, à la demande du parlement, d'agrandir le palais. Une seconde chambre des enquêtes est d'abord construite en 1700, dans le style de l'époque, là où se trouve actuellement la cour d'appel, face à la salle des procureurs.
En 1739, l'architecte Jarry démarre la construction sur la place du marché neuf, ou neuf marché, d'un nouveau bâtiment destiné à la juridiction des requêtes du palais. Cette construction ne sera achevée que cent ans plus tard.
C'est l'architecte Grégoire qui, de 1836 à 1839, termine l'ensemble de la façade classique du bâtiment commencé par Jarry place du marché neuf. Puis il achève les décors sculptés de la partie centrale du palais, dans le style gothique.
A partir de 1843, il s'attaque à la réédition de l'aile de la cour d'appel dans le même style gothique. L'architecte Grégoire, en imposant ce style, donne son unité au palais de justice. Son successeur, Desmarest, s'impose comme un réalisateur scrupuleux, en particulier de la salle des assises et de la salle des procureurs.
Enfin, à la fin du XIXème siècle, Lefort démolit le bâtiment construit par Jarry sur la place du marché neuf, devenue place Verdrel. Il agrandit de plus de 1000 m2 l'emprise du palais sur la place, et construit de 1880 à 1884, le tribunal de première instance, actuel tribunal de grande instance, dans un style s'harmonisant complètement avec les bâtiments de la grande cour. Le palais de justice prend alors son aspect actuel.
Surviennent alors la seconde guerre mondiale et la préparation du débarquement en Normandie. De nombreux résistants sont enfermés dans les sous-sols du palais de justice avant d'être fusillés ou déportés dans des camps nazis.
Les bombardements par les alliés dans la nuit du 18 au 19 avril 1944, puis pendant toute la journée du 26 août 1944 au cours de laquelle est visé un central téléphonique de la rue St Lô, sont particulièrement dévastateurs pour le palais de justice de Rouen.
Les incendies en résultant anéantissent notamment le décor de la salle des assises et détruisent la charpente et la voûte lambrissée de la salle des procureurs. Seule la partie datant du XIXème siècle, la cour d'appel, est partiellement épargnée.
Après des mesures de sauvegarde d'urgence menées par le service des Beaux Arts, une campagne de restauration de ces dommages est engagée dès 1946. Elle dure près de cinquante ans. C'est ainsi que le palais de justice actuel est le témoignage vivant d'un bâtiment pour lequel on a su combiner différents matériaux et différentes techniques comme :
- la récupération de matériaux réutilisables tels que des éléments moulurés,
- la reconstruction à l'identique, notamment sur la façade de la cour d'honneur par taille de pierres de St Maximin (Oise),
- l'utilisation de techniques modernes pour les planchers, la voûte et la charpente de la salle des procureurs , construits en béton armé, avec une consolidation par précontrainte des contreforts existants.
Parallèlement aux travaux de structure, le décor de la grande voûte en carène de vaisseau renversé de la salle des procureurs est reconstitué en septembre 1969 et la salle des assises entièrement rénovée en 1988. Cette opération de grande envergure permet aussi des découvertes. Ainsi, le 11 août 1976, lors du décapage de la cour d'honneur en vue d'une repose d'une pavage, l'entreprise Lanfry met à jour une cavité, puis les premières assises d'un mur de pierre calcaire blanche. A l'issue des fouilles, on met à jour, à l'ouest, une cave romane dont les remblais datent des XVIème et XVIIIème siècles et dont la destination reste un mystère.
Florentine Sueur fut incarcérée dans les sous-sols du palais de justice de Rouen du 10 mars au 29 avril 1944.