Interview de Florentine par A.Briard- Directeur du journal "l’Impartial" - Article paru le 28 avril 1945
Nous décidons, avec A. Briard, d’aller rendre visite à Florentine Sueur, autre martyr de la barbarie nazie, dans la commune de Boisemont.
Mme Sueur et son mari, père et mère de Mme Patrelle, furent arrêtés pour faits de résistance, en mars 1944. Le mari fut envoyé à Buchenwald et sa femme à Ravensbrück. M.Sueur va rentrer incessamment. Sa femme, au titre des rapatriés par échange de prisonniers, est de retour depuis quelques temps déjà.
Malade, elle est couchée et, c’est dans la chambre qu’elle nous reçoit. Quelle martyre, elle aussi, elle a dû subir ! Elle a vu des femmes qu’on descendait nues, en les tenant par les cheveux, et qu’on frappait sauvagement. Touchant 80 grammes de pain par jour, ces malheureuses piochaient dans les sablières, et brouettaient le sable de 4 heures du matin à la nuit.
- Nos gardiennes, nous dit Mme Sueur, étaient des Polonaises d’une brutalité incroyable.
Il y avait ce qu’on appelait les convois noirs. C’était quand on conduisait nos compagnes à la chambre aux gaz. De là, on partait pour le four crématoire !...
Mme Sueur nous montre ses pauvres bras squelettiques. On pense à ces photos hallucinantes, où l’on voit des fumeurs d’opium. Avant son départ, la malheureuse qu’une toux pénible empêche parfois de parler, pesait 70 kilos ; elle n’en pèse plus que 39 aujourd’hui !
Cette famille des Patrelle mérite d’être citée en exemple. Le mari a fait du maquis. Sa femme, Madame Patrelle, a hébergé sous le nom de « l’oncle Henri » l’actuel maire de Darnétal, activement recherché par la Gestapo.
Voilà ce qu’est la résistance.
Sans ces héros, sans ces martyrs, est-ce que la libération de la France eût été possible ? J’entends encore cet officier Anglais qui, le 26 août dernier me disait :
- On ne louera jamais assez la Résistance Française qui nous a rendu de si précieux services.
Oui, voilà ce qu’est la Résistance.