Isidore Newman, radio du réseau SALESMAN
Isidore Newman naît à Leeds (GB) en 1916, il est fils d'immigrants juifs russes. Il grandit à Durham, où il reçoit une formation de professeur d'école primaire, avant de s'installer à Hull en 1938.
Il rejoint le SOE en juillet 1941. Son expérience est idéale pour être opérateur radio, fonction dont la section F a grand besoin. Il commence à s'entraîner immédiatement, en prenant le pseudonyme de «Matthieu Elliot» afin de dissimuler son identité aux autres recrues. Ses instructeurs remarquent vite son français mal maîtrisé, mais il se montre un élève déterminé et dévoué.
Sa première mission est de soutenir le réseau URCHIN de Francis Basin sur la Côte d'Azur. En avril 1942, il quitte Gibraltar en sous-marin pour rejoindre la côte d'Azur avec son compatriote, l'agent Edward Zeff. Leur escorte, Peter Churchill les mène en canot à la Pointe de l'Illette, situé juste aux pieds des vieux murs d'Antibes, à quelques mètres de la maison du Dr Levy, leur premier contact. Après quelques problèmes mineurs pour trouver une maison sûre, Newman débute sa nouvelle vie secrète sous le nom de «Jacques Némorin», en utilisant le nom de code Julien. Il commence à transmettre des télégrammes pour URCHIN le mois suivant. Il s'entend bien avec Basin et tout se passe bien jusqu'à ce que Basin soit arrêté par la police française en août 1942.
Churchill l'envoie alors rejoindre SPINDLE, un nouveau réseau, pour travailler en étroite collaboration avec André Girard qui s'est autoproclamé chef de la section locale de l'organisation CARTE. Le SOE fonde de grands espoirs sur le réseau CARTE et Churchill attend d'en obtenir le meilleur.
Newman s'enlise bientôt dans une charge de travail croissante. Girard, désormais patron de Newman autant que Churchill, refuse d'abréger ses trop longs télégrammes à Londres. Churchill préfère ne pas intervenir. Même avec l'aide de nouveaux radios, Despaigne et Harry Peulevé, Newman est forcé de transmettre toute la nuit, au mépris de toute sécurité. Rapidement, Despaigne et Peulevé se lavent les mains du réseau CARTE et se rendent en Espagne pour rentrer à Londres, mais Newman se sent obligé de rester. Churchill a toutefois d'autres idées. Il remplace Newman par Adolphe Rabinovitch. Frustré et épuisé, il a envoyé près de 200 messages depuis son arrivée en mars, Newman n'a guère le choix et retourne à Gibraltar en novembre 1942. Il présente un rapport critique sur la conduite de Churchill et de Girard quand il rentre à Londres, une quinzaine de jours plus tard.
Bien que fatigué par le travail des huit derniers mois, il se porte immédiatement volontaire pour une seconde mission. Buckmaster accepte de l'envoyer dans un nouveau réseau, mais son vol est reporté en raison du mauvais temps. On lui organise alors un cours de recyclage radio à la place.
le 17 juillet 1943, il part pour la France, cette fois pour rejoindre le réseau SALESMAN à Rouen et au Havre, et arrive par avion Lysandre sur un terrain d'atterrissage près de Tours.
SALESMAN a été lancé en mai 1943, mais il a besoin d'une liaison radio fiable avec Londres pour coordonner les approvisionnements. Son chef, Philippe Liewer, a trouvé un endroit sûr pour Newman, chez Denise Desvaux qui tient un salon de couture, 12 rue Jeanne d'Arc à Rouen. Opérant sous le nom de couverture de «Pierre Jacques Nerault», nom de code Pepe, il est présenté comme son neveu et son associé en affaires. Après avoir vécu sous la sécurité laxiste de CARTE l'année précédente, Newman utilise une nouvelle forme de contacts. Liewer met rapidement en place trois postes de radio distincts et donne pour consigne de ne jamais transmettre plus de deux fois de suite au même endroit. En vélo, Newman parcourt 1500 kilomètres par mois entre chaque point radio, accompagné par un garde du corps, Newman parlant très mal le Français.
Le réseau SALESMAN commence alors à recevoir des armes dont il fait un usage efficace. En septembre, il coule un dragueur de mines de 800 tonnes et détruit une centrale électrique locale le mois suivant.
La sécurité du réseau est excellente, mais les agents de la Gestapo s'équipent en radiogoniométrie et font la chasse aux radios. Ils viennent très près de Newman, et arrivent même à déduire les temps de ses transmissions. Il est obligé d'arrêter complètement de travailler pendant six semaines.
En février 1944, Liewer retourne en Angleterre, laissant SALESMAN entre les mains de son lieutenant Claude Malraux. Son groupe réussit à faire dérailler un train de troupes allemandes le même mois. Mais au début de mars 1944, à la suite d'une souricière tendue par la Gestapo, Malraux est capturé à Rouen. Dans les heures qui suivent la quasi-totalité de ses contacts est soufflée. Selon le rapport de Liewer plus tard (il revient en avril 1944 à Paris et envoie son assistante Violette Szabo à Rouen pour savoir ce qui s'est passé), Newman a attendu l'arrivée de Malraux pour dîner ce soir-là. Ne le voyant pas venir, il a commencé à s'inquiéter. Il a donc informé son garde du corps qu'il annulait sa prochaine transmission et qu'il allait passer à une autre maison sûre dès le lendemain après-midi. Mais le jour suivant, lui et Mme Desvaux ont décidé de déjeuner avec la fiancée de Malraux, retardant leur départ. La Gestapo est arrivée quelques instants après la fin du repas. Newman s'est précipité par la porte de derrière, mais a été rattrapé et menotté instantanément. Mme Desvaux est arrêtée puis relâchée quelques jours plus tard.
En avril 1944, Newman et d'autres agents du SOE F sont transférés au camp de Compiègne. Une semaine plus tard, un bus les emmène à Paris, d'abord à la prison de la Gestapo, Place des Etats-Unis, puis à la prison de Fresnes.
Newman et d'autres agents du SOE capturés par la Gestapo sont conduits à la prison de Rawicz en Silésie (aujourd'hui le sud-ouest de la Pologne). Les conditions de détention sont déplorables et ils sont tous maintenus en isolement. Au début de septembre 1944, ils sont transférés au camp de concentration de Mauthausen. Les 6 et 7 septembre, Newman et son groupe sont abattus à la carrière du camp, ainsi que 40 autres agents du SOE, presque tous néerlandais.
En tant que l'un des 104 agents de la section F morts pour la France, Isidore Newman est honoré au mémorial de Valençay, en Indre.
Sources Nigel Perrin