Les personnalités du convoi des Tatoués
Les prisonniers viennent de toutes les régions de France, sont issus de toutes les familles politiques et sont de toutes les origines sociales et culturelles. Le plus jeune déporté a 15 ans, le plus âgé 71 ans.
Avec les hommes du groupe SALESMAN, les cheminots se distinguent par leur nombre dans ce convoi (39 agents, contrôleurs, chefs de gare, ingénieurs, le directeur de la SNCF). Le convoi comptait également des polytechniciens, une vingtaine de prêtres, et des personnalités telles que des parlementaires, des élus politiques, des artistes, des journalistes, des aristocrates, etc.. :
François Baudoin (1904-1945) député de la Moselle et maire de Plombières. Il meurt en déportation le 15 avril 1945 à Flossenbürg.
André Boulloche (1915-1978) député et sénateur, futur ministre, maire de Montbéliard, polytechnicien. Il rejoint Londres en décembre 1942 pour être envoyé à Paris comme délégué militaire avec pour adjoints Ernest Gimpel et Jacques Chaban-Delmas. Grièvement blessé lors de son arrestation et de celle d'Ernest Gimpel, il survivra à sa déportation et sera ministre du général de Gaulle.
René Leduc (1901-1983) député et maire de Meudon, président des Maires de France. Il sera député de Seine-et-Oise, rebaptisée Yvelines ensuite, de 1958 à 1967.
Marcel Paul (1900-1982) député et futur ministre. Pupille de l'Assistance publique, il est ouvrier agricole. Dès 1913 il adhère aux jeunesses socialistes en 1915, puis à la CGTU en 1923 pour devenir en 1935 conseiller municipal du 14ème arrondissement de Paris. Deux fois évadé au début de la guerre, il participe aux actions de l'Organisation spéciale (OS) du parti communiste. A Buchenwald, il dirige « la brigade française d'action libératrice » lors de l'insurrection du camp le 11 avril 1945. Nommé ministre de la Production industrielle le 21 novembre 1945 par le général de Gaulle, défendant les nationalisations, il obtient celles du gaz et de l'électricité. Jusqu'en 1966 il préside la Fédération nationale CGT de l'électricité. Il est co-fondateur de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP).
Michel de Pontbriand (1911-2000) maire d'Erbray (Loire Atlantique), gentilhomme campagnard marqué par la Grande Guerre à travers les souffrances de son père. Choqué par l'entrevue de Pétain avec Hitler le 24 octobre 1940, puis par le massacre de Châteaubriand du 21 octobre 1941, il fait montre de son courage civique à la tête de la mairie d'Erbray où il est nommé peu après, en s'opposant aux exactions de l'occupant et en soustrayant les jeunes au STO. Début 1943, il travaille pour le réseau Buckmaster comme agent d'observation de 3e classe. De retour de déportation, il reprendra la vie parlementaire comme sénateur de la Loire Atlantique de 1948 à 1965. Il est réélu conseiller municipal d’Erbray le 26 avril 1945, puis maire le 20 mai 1945. Il le restera jusqu’en1983.
Henri Bourrillon (1891-1945) maire de Mende et chef de la résistance de Lozère. Il meurt en déportation au kommando de Flôha le 3 mai 1945.
Pierre Ravel (né en 1925) maire de Châtel-Guyon.
Louis Détraves (1887-1971) maire de Houilles- La SFIO choisit en 1945 cet inspecteur divisionnaire de la SNCF, conseiller municipal de Houilles pour les élections à la Première Constituante comme tête de liste dans la première circonscription de la Seine-et-Oise. En 1946, il reste conseiller municipal de Houilles.
Rémi Roure (1885-1966) journaliste, rédacteur du Temps. Fils de paysans ardéchois, il fait des études de droit et devient rédacteur au journal Le Temps. A 58 ans, il travaille aux côtés de François de Menthon au mouvement et journal Liberté, puis à Combat. Il est arrêté à Rennes en octobre 1943, alors qu'il convoie trois pilotes américains. Grièvement blessé lors de son arrestation, il est déporté à Auschwitz. Sa femme meurt en avril 1945 à Ravensbrück. Leur fils, engagé au bataillon de choc de la Première Armée, y est tué par l'éclatement d'une grenade en recherchant le corps de sa mère. Fait Compagnon de la Libération, Rémi Roure a été le premier rédacteur en chef au journal Le Monde.
Georges Brousse (1908-1945) propriétaire de L'Indépendant de Perpignan. Il est assassiné par les nazis à Flohä le 15 avril 1945.
Max Rénier (né en 1916) petit-fils du fondateur de l'agence Havas et journaliste à Havas. Il survit à la déportation.
Robert Desnos (1900-1945) poète et journaliste, appartenant au courant surréaliste, a publié une dizaine de recueils de poésie. Il s'associe à des regroupements d'intellectuels contre le fascisme ou pour les Républicains espagnols. Il adhère au Front commun de Bergery en 1937, et participe à l'Association internationale des écrivains pour la défense de la culture. Rédacteur littéraire, après la campagne de 1940, à Aujourd'hui dirigé par son ami Henri Jeanson, il publie quelques articles polémiques sur Bordeaux et Céline. Après l'arrestation de Jeanson, il se contente de quelques articles anonymes dans ce journal devenu collaborationniste. Membre du réseau Agir depuis 1942, Desnos informe la Résistance et publie des poèmes dans les revues clandestines : Confluences, Europe, Messages. Arrêté en février 1944, il est envoyé avec les déportés tatoués à Auschwitz puis à Flôha et meurt en juin 1945 du typhus à Teresienstadt.
André Verdet (1913-2004) poète, écrivain, cosmologue, peintre, sculpteur, jazzman.
Léon Delarbre (1889-1974) peintre, conservateur du musée des Beaux-Arts de Belfort ; en 1940, il met à l'abri les collections du musée. Membre d'un réseau de résistance camouflé au sein de la Société des Amis du musée, il est arrêté le 3 janvier 1944, déporté à Auschwitz puis Buchenwald, Dora, Bergen-Belsen où survient sa libération le 15 avril 1945. De janvier 1944 à avril 1945, il a dessiné « un reportage irremplaçable sur la vie quotidienne dans les prisons et les camps de concentration nazis ».
Le neveu de l'amiral Thierry d'Argenlieu, Georges (né en 1919) polytechnicien et directeur général de Saint-Gobain. Il est libéré à Flossenbürg le 23 avril 1945.
Victorien Chausse (1900-1983) inspecteur général des Finances - percepteur à Houilles et trésorier principal du Trésor. Il est le fondateur de la Mutuelle du Trésor, et ancien combattant 1914-1918 et 1939-1945, membre du Comité directeur du réseau « Résistance » et agent secret du général Montgomery. Arrêté à Houilles par la Gestapo en 1943, il est emprisonné à Fresnes, puis déporté à Auschwitz, Buchenwald, Flossenbürg. Il est grand officier de la Légion d’honneur; Il a reçu une médaille militaire, une médaille de la Résistance, Franco-britannique, de la France Libre, du Mérite Social, de l’Union Nationale.
Pierre Johnson (né en 1904) inspecteur général de la Compagnie Transatlantique, arrière petit-neveu du président des Etats-Unis Johnson, successeur de Lincoln. En 1958, sur l'initiative de P.Johnson, Léon Hoebecke lance un appel aux rescapés du convoi du 27 avril 1944, afin de créer "L'Amicale des Tatoués", présidée aujourd'hui par André Bessière (né en 1927), l'un des plus jeunes Tatoués (il a 17 ans lorsqu'il part de Compiègne le 27 avril 1944).
Le comte Paul Chandon-Möet (1902-1967) chef de l'entreprise de champagne du même nom, arrêté avec son fondé de pouvoir Camille de Mareuil.
Charles Porte (né en 1906) commissaire de police à Chartres lorsque Jean Moulin était préfet d'Eure-et-Loir, est devenu le commissaire Henry dans la Résistance. Il a été chargé notamment de la surveillance de la réunion inaugurale du Conseil national de la Résistance, présidée par Jean Moulin le 27 mai 1943, puis a conduit l'enquête sur l'arrestation du délégué du général de Gaulle. Arrêté, déporté à Auschwitz, il est revenu de déportation.
Pierre Mussetta (né en 1912) chef des Corps francs de Combat, adjoint de M. de Bénouville, l'un des responsables de la branche militaire de Combat. Il réussit à s'évader du kommando de Bochum le 29/06/1944 et arrive à Paris pour participer aux combats de la capitale.
Le curé Joseph Tanguy (1882-1944) recteur de Pont-Aven, s'engage à l'âge de 61 ans au réseau Evasion de Turma-Vengeance pour héberger et assurer la filière de rapatriement des aviateurs alliés abattus en Bretagne. Il est arrêté sur dénonciation le 3 janvier 1944. Il laisse sa place au sec a un détenu plus âgé que lui et contracte une pneumonie en dormant plusieurs nuits sur le sol humide des « écuries de la mort ». Il meurt le 22 mai 1944, quelques jours après son arrivée à Buchenwald.