Philippe Liewer, chef du réseau SALESMAN
Philippe Liewer est né à Paris le 10 mars 1911. A partir de 1936, il mène une carrière dans le journalisme. Il travaille comme correspondant à l'étranger avec l'agence Havas.
En 1938, il est expulsé de la conférence de Munich par Hitler parce qu'il est juif.
En 1939, il sert brièvement dans l'armée française et rejoint la British Expeditionary Force comme agent de liaison en 1940.
En septembre 1941, à Nice, il est contacté par l'agent de George Langelaan appartenant à la section F du SOE. Langelaan, également journaliste, reconnaît en P.Liewer le potentiel pour établir de nombreuses connexions politiques à travers la France de Vichy. Liewer accepte d'agir comme informateur et assistant. Mais un mois plus tard, Langelaan est arrêté et Liewer est alors capturé à son domicile d'Antibes, le 11 octobre 1941. Après une détention d'un mois à Nice, il est incarcéré avec Langelaan à la prison Beleyme de Périgueux, en Dordogne, où croupissent déjà neuf autres agents de la Section F . En mars 1942, ils sont déplacés, non loin de là, au camp de concentration de Mauzac d'où ils s'échappent tous en Juillet 1942. Ils traversent la frontière pour l'Espagne. Liewer arrive à Lisbonne d'où il s'embarque sur un bateau en partance pour l'Angleterre. Il arrive à la mi-septembre, et sous le nouveau nom de Staunton, il commence une formation préliminaire au SOE à Wanborough Manor.
Sous le nom de code "Clément", il est chargé du lancement d'un nouveau réseau, "SALESMAN" (le Vendeur), à Rouen, et arrive par avion Lysandre dans la nuit du 14 au 15 avril 1943, accompagné de Gabriel Chartrand, saboteur. A Paris, au mois de mai, il est mis en contact par Mme Micheline avec Jean Sueur, gérant de sa succursale de vêtements de Rouen. Celui-ci lui trouve un logement chez la famille Francheterre. Jean Sueur devient rapidement un moyen inestimable de recruter de nouveaux membres. En Juillet 1943, un réseau secondaire est également lancé au Havre, sous le commandement de Roger Mayer, professeur de physique qui a déjà produit un journal local souterrain, l'Heure H.
Le 19 juillet 1943, Isidore Newman intègre le réseau comme opérateur radio, sous le nom de code "Pépé". Grâce aux efforts de Jean Sueur, Roger Mayer et Philippe Liewer, SALESMAN se constitue d'un total de 350 résistants. Ils forment des groupes de combat en prévision du jour J (débarquement du 6 juin).
Le 23 août 1943, Bob Maloubier remplace Gabriel Chartrand transféré dans la Sarthe.
Les résistant mènent à bien des sabotages complets et variés à travers la seconde moitié de l'année 1943 : en plus de paralyser une usine d'aluminium importante à Rouen, ils font couler un dragueur de mines sur la Seine, font sauter la station de transformateur alimentant les installations V1 dans la région, et font dérailler un train qui ramenait des Allemands en permission chez eux.
Dans la nuit du 4 au 5 Février 1944, P.Liewer repart à Londres pour fournir des rapports de renseignement et faire le point sur la situation en Seine-Inférieure. Il est accompagné de son instructeur en armement, Bob Maloubier, blessé par balle par une patrouille allemande le 20 décembre 1943. Il laisse son lieutenant Claude Malraux (demi-frère du romancier André Malraux) en charge du réseau de Rouen. Le succès de SALESMAN est dû en grande partie à la très grande attention de Liewer à la sécurité. Mais en mars 1944, au moment de revenir en France, il est informé que Claude Malraux est tombé dans une souricière de la Gestapo. Pire encore, Isidore Newman a été arrêté, avec des dizaines d'autres. Roger Mayer a été presque battu à mort par la Gestapo, mais a refusé de dire un mot. Philippe Liewer entreprend alors une mission de reconnaissance. Le 5 avril 1944, il revient à Paris, accompagné de Violette Szabo qui se rend à Rouen pour évaluer les dommages causés au réseau SALESMAN. Trois semaines plus tard, elle indique que le réseau est grillé : près d'une centaine d'arrestations a eu lieu et toute tentative de rétablir SALESMAN serait suicidaire, des photos de Liewer et Maloubier ornant les murs de Rouen.
Le 30 avril 1944, ils rapportent à Londres des plans sur les installations allemandes qui se révèleront précieux pour cibler les bombardements : quartier général naval de Rouen, usines de fabrication de matériels de guerre, installations portuaires du Havre.
Après une brève période à Londres, Philippe Liewer est parachuté avec son équipe composée de Bob Maloubier, Violette Szabo et Jean-Claude Guiet. Ils lancent le réseau SALESMAN II, dans la Haute-Vienne, près de Limoges. Moins de trois jours après leur arrivée, le 10 juin 1944, Violette Szabo est capturée alors qu'elle se rend en Corrèze pour rencontrer Jacques Poirier. Philippe Liewer prévoit une tentative de sauvetage, mais Violette Szabo est transférée à Paris avant l'intervention.
Il a pour mission, la réunification des maquis locaux et prend contact avec le leader communiste Georges Guingouin en Juin 1944. Celui-ci accepte de travailler pour SALESMAN II et ne fixe aucune condition politique. P.Liewer et les forces de G.Guingouin mènent beaucoup de combats en Juillet et Août, en entravant les lignes de communications allemandes à travers le département et en lui infligeant des pertes importantes à la bataille du Mont Gargan. P.Liewer conduit personnellement de nombreuses embuscades sur la route. Le 21 Août 1944, à la tête d'une délégation officielle de quatre hommes, il obtient, sans condition, la reddition de Limoges tenue par les Allemands. Il est rappelé à Londres le mois suivant.
Pour ses services, Philippe Liewer est décoré de la Croix militaire et la Croix de Guerre.
En 1950, il décède d'une crise cardiaque à Casablanca, à l'âge de 39 ans. Il est inhumé au cimetière de Montparnasse.
Extraits de l'article de Nigel Perrin