Violette SZABO, le courage à fleur de peau
Violette, naît à Paris le 26 juin 1921 d'un père britannique, Charles Bushell, et d'une mère française, Reine Leroy. Les premières années de sa jeunesse se partagent entre la France et la Grande Bretagne. A l'été 1932, la famille s'installe définitivement dans le quartier de Brixton, au sud de Londres. Violette impressionne ses professeurs par sa forte personnalité et ses qualités physiques au-dessus de la moyenne. A l'âge de quatorze ans, consciente des difficultés familiales, elle demande à quitter l'école afin de se mettre au travail.
Violette ne semble pas trop concernée par la guerre. Mais fin mai 1940, l'offensive allemande et le dramatique débarquement de Dunkerque sont douloureusement ressentis chez les Bushell. Le Nord de la France, pays natal de Mme Bushell, est à nouveau envahi. Violette envisage de rejoindre les forces féminines.
Apprenant que les soldats français rescapés de Dunkerque allaient défiler pour le 14 juillet, Madame Bushell propose d'inviter l'un deux à passer la soirée en famille. Etienne Szabo, un lieutenant français de la Légion Étrangère, se retrouve à la table familiale. Né à Marseille, ayant perdu très tôt ses parents, il s'est engagé dans la Légion dès qu'il l'a pu. Si bien qu'à trente ans il a baroudé un peu partout, en Afrique du Nord, Syrie, Indochine. Activités guerrières qui ont laissé à Etienne Szabo deux ou trois blessures et une brochette de décorations. En mai, il a participé à l'expédition de Narvik avec les chasseurs alpins. Rapatrié en Angleterre, il a choisi de rester avec les « Français Libres ».
Le coup de foudre est si intense qu'Etienne Szabo ne tarde pas à demander Violette en mariage. Les parents sont plus que réservés : leur fille n'a même pas vingt ans. Violette, toujours fougueuse, menace de se passer de leur consentement. Et la cérémonie a lieu le 21 août 1940 à Aldershot.
Mais Churchill l'a déclaré solennellement, la guerre doit se poursuivre. Le lieutenant Szabo reçoit bientôt sa feuille de route. Il part en Abyssinie combattre les Italiens. Il obtient une permission d'une semaine après un an de campagne. Violette lui fait part de son désir de s'engager dans les forces féminines.
En septembre l941, elle est recrutée dans les ATS (Auxiliary Territorial Service). Après une formation accélérée, elle est intégrée dans une batterie de DCA. Énergique et infatigable, tant au travail que pour les distractions (sport et soirées dansantes), Violette attend le mois d'avril 1942 pour demander un congé de maternité. Sa fille Tania naît à Londres le 8 juin 1942. Le papa est informé, mais la situation militaire ne lui permet pas de demander une permission dans le cours de l'été 42. A l'automne, les Alliés reprennent l'avantage. Etienne Szabo participe à la grande bataille d'El Alamein, et meurt au combat en octobre 42 sans avoir vu sa fille. La nouvelle ne parviendra en Angleterre que plusieurs semaines après. Violette est veuve à vingt et un ans. Elle reste enfermée plusieurs jours, puis assoiffée de vengeance, déclare à ses parents qu'elle désire faire beaucoup plus dans cette guerre.
Quelques jours plus tard, elle est contactée par un recruteur du SOE. Violette est parfaitement bilingue, ses qualités physiques et morales sont bien connues et ont certainement été signalées au SOE. Officiellement, elle est admise dans le corps des volontaires féminines FANY. Même ses parents doivent ignorer qu'elle entre au SOE.
En septembre 1943, Violette Szabo commence à suivre les différents stages qui font d'elle, après plusieurs mois d'efforts, un agent opérationnel. Au cours d'un saut en parachute lors d'un entraînement à Ringway, elle se blesse la cheville et est contrainte au repos. En février 1944, elle fait connaissance avec le capitaine Staunton (de son vrai nom Philippe Liewer), son futur chef.
En mars 1944, Philippe Liewer et Bob Maloubier s'apprêtent à rentrer en Normandie quand le Quartier général du SOE reçoit un message d'un autre réseau prévenant que de nombreuses arrestations, y compris celle de Claude Malraux l'adjoint de P.Liewer, ont été opérées à Rouen. Une mission de reconnaissance est décidée. Violette est désignée pour partir avec Liewer. On lui donne une carte d'identité au nom de Corinne Reine Leroy (nom de jeune fille de sa mère), née à Bailleul (59) et domiciliée au Havre.
A la pleine lune d'avril 1944, un Lysander dépose les deux agents quelque part dans la campagne entre Orléans et Chartres. Le lendemain ils prennent le train pour Paris. Violette se rend seule à Rouen. Elle s'en félicite quand elle découvre des portraits de Liewer et Maloubier placardés sur les murs. Elle commence ses vérifications et comprend vite que le réseau Salesman est grillé. Puisqu'il y a peu de chose à faire à Rouen, elle décide d'essayer de pénétrer au Havre. Elle constate combien on travaille à renforcer les défenses du port et rapporte des plans précieux pour le prochain débarquement. Le 30 avril 1944, c'est le retour en Angleterre.
Dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, Violette, Liewer alias Staunton, Maloubier alias Mortier et un radio américain parlant français sautent près de Sussac en Haute-Vienne. Dès le lendemain, Staunton, chef de la mission, fait le point. Il constate que s'il y a beaucoup de monde dans la forêt de Châteauneuf, les jeunes gens sont aussi enthousiastes que peu organisés et mal armés. Il se propose de rester sur place avec Maloubier et demande qu'on emmène Violette prendre contact avec les maquis de Dordogne. Il espère, en particulier, qu'elle pourra joindre le capitaine Jacques Poirier, du réseau Digger.
Le samedi matin 10 juin, Jacques Dufour (pseudo Anastasie), un jeune chef de la région dont la valeur est reconnue des Allemands puisqu'ils offrent une forte prime pour sa capture, le résistant Bariaud et Violette vêtue d'un tailleur, chaussée de souliers à talons plats, prennent la route. Violette amène avec elle, en plus de sa valise, une mitraillette Sten et huit chargeurs. Dufour, lui aussi, s'est muni d'une mitraillette.
Ils roulent sans crainte vers Pompadour, terme du voyage, ignorant que les Allemands sont revenus en force à Tulle et ont exercé des représailles féroces la veille au soir: 99 martyrs ont été pendus aux arbres d'une place, aux réverbères, aux balcons de certaines maisons. Ils ne savent pas non plus que dans un hôtel de St Junien, 60 km à l'ouest, quelques Allemands sont en train de préparer pour l'après-midi ce qui sera le plus horrible crime de guerre commis sur le sol de France : le massacre de 642 habitants, hommes, femmes et enfants d'Oradour sur Glane. Et ils ignorent également que depuis la veille, une compagnie de la division Das Reich, qui fait mouvement de Montauban vers la Normandie, s'est installée en flanc-garde dans Salon la Tour.
Arrivés à Salon la Tour, Jacques Dufour qui est né là, et ses amis font face à un barrage routier. Dufour comprend. S'il essaie de battre retraite, les Allemands vont ouvrir le feu et ils ne leur laisseront aucune chance. Il stoppe, prend son arme, descend tranquillement... et commence à tirer. Violette est sortie aussi et la Sten entre en action. Bariaud qui n'a pas d'arme saute dans le fossé et s'enfuit dans une campagne qu'il connaît bien. Dufour et Violette lâchent des rafales, les Allemands répliquent. Au bruit de la bataille, des renforts arrivent, y compris deux véhicules blindés. Les deux jeunes gens reculent, cherchent l'abri des haies et des bouquets d'arbres. Mais Violette doit s'arrêter, trahie par sa cheville blessée lors d'un saut d'entraînement à Ringway. La douleur est trop vive pour avancer. A Jacques Dufour qui veut la charger sur son dos, elle ordonne de se sauver pendant qu'il est encore temps. Abritée derrière un arbre, elle continue à tirer rageusement jusqu'à épuisement des munitions. Elle est alors capturée par les Allemands. Dufour, d'une haie à l'autre, finit par échouer dans une cour de ferme où les habitants le cachent jusqu'au départ des troupes. Violette est transférée à Limoges le soir même.
Dès le soir du 10 juin, Staunton et Mortier sont informés par Bariaud de la capture de Violette. Ces hommes d'action, en plein accord avec les résistants de Limoges qui savent ce qui se passe dans la prison, envisagent une action pour libérer la jeune femme. Mais le 16 juin, alors même que le commando se prépare à intervenir, Violette est transférée à Fresnes.
Extraite de la prison de Fresnes le 8 août, elle commence un voyage infernal vers l'Allemagne. C'est un petit convoi de blessés allemands auxquels on a ajouté une cinquantaine de prisonniers, dont trois femmes. Le commandant Yeo Thomas du SOE est du voyage. Dans son livre de souvenirs « Le Lapin blanc », il mentionne la présence de « l'indomptable Violette Szabo » et raconte que, le train ayant été attaqué par deux chasseurs-bombardiers, les déportés masculins, couchés sur le plancher, « eurent honte en voyant arriver Violette Szabo et une autre femme qui rampaient jusqu'à eux pour leur porter de l'eau ».
La locomotive étant endommagée, les prisonniers sont transférés dans deux camions qui arrivent à Buchenwald pour les hommes et Ravensbrück pour les trois agents britanniques féminins, Denise Bloch, Liliane Rolfe et Violette Szabo. Elles subissent les conditions inhumaines des camps de travail, vêtues de vêtements d'été en plein hiver. Dans l'aube glaciale du 26 janvier 1945, Violette Szabo, seule valide, et ses deux camarades transportées sur un brancard, écoutent la sentence tombée de Berlin. Elles sont exécutées d'une balle dans la nuque.
Le 28 janvier 1947, les Bushell sont reçus à Buckingham. Le roi Georges VI épingle lui-même sur la robe de Tania, la George Cross qui a été décernée le mois précédent à sa maman. Violette est la première femme à être décorée de la Croix de St George et de la Croix de Guerre française.
Sources : Jacques Darondeau - La voix de la résistance
Tania Szabo "Brave Young and Beautiful"